Les matins gelés
Les matins gelés, c’est ce que j’aime le plus en janvier. En même temps, pour être tout à fait honnête, c’est un mois plutôt déprimant de base. Personnellement je ne l’ai jamais aimé et ce que j’aime dans le froid c’est plutôt Noël, la neige et l’ambiance cocon générale qui accompagne la fin d’année. Arrivée au mois de Janvier, tout est fini et pourtant c’est aussi le début d’une nouvelle année, de nouvelles bases à poser, pourquoi pas quelques résolutions. Mais c’est tout ce qu’il y a d’intéressant. Il fait froid, souvent pas assez pour qu’il neige, c’est humide, c’est gris. Les gens sont fatigués des fêtes, tout le monde est tendu et j’ai souvent envie d’hiberner. Heureusement, il y a bien une chose positive, surtout depuis que Loki a débarqué chez nous il y a bientôt trois ans : les matins gelés.
Le matin je me lève plus ou moins tôt pour sortir Loulou suivant si je travaille ; en moyenne vers 07H00 en semaine et vers 08H30 en week-end mais les matins dont je vais vous parler font partis de la première catégorie.
Étant une lève-tôt, je n’ai aucun souci à me réveiller et me lever dans la foulée.
06H45, le réveil sonne et à 06H55 j’ai le bonnet enfoncé sur la tête, mon écharpe la plus épaisse autour du cou, mes baskets les plus rapides à enfiler aux pieds et mon manteau le plus chaud sur les épaules.
Je rejoins ensuite Loki dans le salon qui est souvent en train de somnoler le temps que je me prépare et qui me rejoint en trottinant et en s’étirant quand il voit que je l’attends.
Je lui mets son collier, je prends sa laisse et on est parti !
On a un petit parc pas très loin de chez nous, dans lequel j’aime aller pour le promener le matin. On met toujours quelques minutes pour y arriver, le temps pour Loulou de renifler un peu tout sur son passage, qu’il finisse de se réveiller et qu’il veuille bien m’écouter quand j’accélère un peu le pas. Et puis nous y arrivons. Alors bien sûr, avant de rentrer dans ce parc, je parle bien sûr d’un matin avec des températures inférieures à 0°C, sinon la magie n’est pas là et ce texte aurait beaucoup moins d’importance. Je parle d’un matin où il ferait environ -4°C, peut-être un peu moins ou peut-être très légèrement plus.
Nous y arrivons donc, et là, la magie opère. Tout est scintillant : les bancs, les plantes, les arbres, le sol des jeux pour enfants, l’herbe. Tout est cristallisé, tout est figé dans le temps, blanc, froid, brillant. Ça craquèle sous nos pas, Loulou se jette dans l’herbe et s’amuse à casser les brins d’herbe gelés. L’air est frais, vif, mes joues doivent être rouges sous le froid mordant mais je ne suis pas frigorifiée. C’est ce genre de froid hivernal sec, mais pas inconfortable. Un de ceux qui m’enveloppe pour me cristalliser à mon tour. Je peux presque patiner ou me laisser glisser sur le revêtement des jeux tant c’est blanc et verglacé. Les bancs en bois brillent de mille feux, le givre en recouvrant une bonne partie, laissant les paillettes faire le reste. Je m’amuse aussi à éviter les toiles d’araignées qui pendent des branches d’arbre et qui sont, je dois bien le reconnaître, plutôt jolies ainsi peinturlurées de blancs et de paillettes gelées.
Ce que j’aime tout particulièrement à cette heure-là de la journée, c’est le peu de personnes présentes dans les rues. Ça rend le paysage et l’atmosphère plus mystique encore, et renforce cette impression d’être rien que Loki et moi, nous deux seuls au monde.
Durant la deuxième partie de Janvier et courant Février, ces matins-là sont encore plus précieux puisque le jour se lève lentement, apportant des couleurs roses orangées au paysage déjà tout droit sorti d’un rêve. Ces couleurs qui font se refléter encore plus la gelée, qui rendent toute cette nature encore plus brillante qu’elle ne l’est déjà. J’ai toujours cette impression de rentrer dans un monde à part un peu comme si j’atterrissais à Narnia ou dans le parc du château de Poudlard. Je prends toujours quelques inspirations de pleine conscience pour finir de me réveiller et ça m’apaise souvent immédiatement. Puis c’est le retour à la maison et à la routine, au début de ma journée et à me préparer pour aller travailler. Souvent quand je ressors un peu moins de deux heures après pour aller prendre mon bus, je repasse devant ce parc et tout s’est évaporé. Il redevient un parc normal, comme si ce paysage enchanté n’avait pas existé. Et c’est là que je mesure la chance d’avoir de me lever aussi tôt pour être témoin de ce changement de paysage et de ce que je peux voir quand le reste du monde – et de mon monde – dort encore.

Même les lieux les plus communs sont devenus beaux. Le moindre bout de grillage était une féérie de cristal dentelé.
Lucy Maud Montgomery
Nelly ♥